Loi Hamon : qu’est-ce qui change pour nos boutiques en ligne ?

Juridique, Comptabilité, Fiscalité

Si la loi relative à la Consommation (loi 2014-344 du 17 mars 2014, dite loi Hamon) prévoit un certain nombre de mesures qui entreront en vigueur de manière échelonnée jusqu’à 2016, le volet concernant la vente à distance est effectif depuis le 13 juin dernier. Cela nous oblige donc, en tant que e-commerçants, à respecter de nouvelles règles pour être en conformité avec cette loi.
Mais concrètement, quelles sont les conséquences pour les business créatifs et quels sont les changements à mettre en oeuvre ? Enfin que risquons-nous en cas de non respect des termes de la loi ? Je vous propose de faire le point avec Chrystèle Bourély, Docteure en droit.

Bonjour ! Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs du blog ?

Bonjour Val. Oui, avec plaisir ! Je m’appelle Chrystèle Bourély. Je suis une juriste blogueuse ! J’ai lancé, il y a deux ans, Mon Blog Juridique et depuis peu Bloguez sans être Hors la Loi*, blog spécialement créé pour aider les propriétaires de blogs et de sites internet marchands à être en règle avec la Loi française.

Bien que j’aie toujours été intéressée par les questions relatives au droit de la consommation (une année passée au cours de mes études en tant que juriste bénévole au sein d’une association de défense des consommateurs), mon expertise première porte sur le droit de la santé et le droit pharmaceutique.

* ce blog n’existe plus aujourd’hui.

Quel est le but de cette nouvelle loi relative à la Consommation en ce qui concerne l’e-commerce ?

Avant de répondre à cette question, je tiens à préciser que la Loi Hamon transpose en droit national français une Directive européenne du 25 octobre 2011 relative aux droits du consommateur. Le législateur européen  a souhaité atteindre un double objectif :

  • celui d’harmoniser les différentes législations nationales au sein de l’Union Européenne.
    Pour donner un exemple, il existait une grande disparité entre les différents états membres concernant la durée du droit de rétractation : 7 jours pour le cyberconsommateur français, 14 jours pour le cyberconsommateur résidant en Italie, 1 mois pour le cyber-consommateur allemand.
  • celui d’inciter à l’essor du e-commerce, en permettant à toute personne physique résidant dans n’importe quel pays de l’Union Européenne d’acheter par internet tout en bénéficiant d’une protection juridique identique.

L’obligation qui est faite au « cybervendeur » de remettre au consommateur un « formulaire de rétractation », identique à chaque pays européen, représente un exemple de la volonté du législateur européen de faciliter au cyberconsommateur l’exercice de ses droits (en l’occurrence l’exercice de son droit de rétractation).

Ainsi, la Loi du 17 mars 2014 vise, par le renforcement des obligations du vendeur en ligne, à mieux protéger les droits des consommateurs sur l’internet.

Pas le temps de lire l’article ?

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Vendre ses créations en ligne : ce que va changer la loi Hamon

Quelles sont les différents points à faire apparaître dans nos Conditions Générales de Vente pour être en conformité ?

Les différents points à faire figurer dans les CGV correspondent aux modifications apportées par la Loi Hamon au Code de la consommation. Celles-ci ne se limitent pas aux clauses contenues dans les CVG.

Au moment de l’avant commande, tout vendeur doit satisfaire à une obligation générale d’informations. Il s’agit de ce que l’on appelle des informations précontractuelles.

Dans le cadre d’une vente à distance, différentes obligations particulières d’informations sont mises à la charge du vendeur en ligne, au bénéfice du cyberconsommateur.

Ainsi, en tant que e-commerçant, vous êtes tenus d’informer le consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service proposé à la vente, ainsi que sur son prix toutes taxes comprises.

Au plus tard au début du processus de commande, un certain nombre d’informations doit être mentionné sur le site internet, de manière claire et lisible :

  • l’identité du vendeur (nom de la personne physique ou de la personne morale, n° SIRET, adresse postale, n° de téléphone, e-mail)
  • les éventuelles restrictions de livraison
  • les différents moyens de paiement acceptés par le professionnel
  • si le droit de rétractation existe au profit du consommateur, l’information porte sur des conditions, le délai (14 jours) et les modalités d’exercice de ce droit. Le vendeur doit également remettre le formulaire type de rétractation.
  • si le consommateur ne peut bénéficier du droit de rétractation (cf. les 13 contrats visés par l’article L. 121-21-8 du Code de la consommation, le cybervendeur doit lui fournir l’information selon laquelle il ne bénéficie pas de ce droit ou bien il doit l’informer des circonstances dans lesquelles il perd ce droit.

Conformément à l’article L. 121-19-3 du Code de la consommation, pour que le contrat de vente conclu par voie électronique (ce qui est le cas pour une vente réalisée sur un site internet) soit valide, le consommateur doit avoir reconnu de manière explicite son obligation de paiement.

En pratique, vous êtes tenus, en tant qu’e-commerçant, d’utiliser la mention claire et précise « commande avec obligation de paiement » ou une formule analogue dénuée d’ambiguïté, la commande passée par le cyberconsommateur n’étant validée que si la passation de la commande oblige à son paiement.

Afin de satisfaire à son obligation d’informations post commande (les informations fournies sur le site avant la conclusion du contrat doivent être confirmées), un courriel de confirmation de la commande doit être envoyé au consommateur. Ce courriel doit contenir les CGV, ainsi qu’un lien vers le formulaire de rétractation présent sur le site.

Ces différents points doivent apparaître dans les différents articles de vos CGV : informations relatives à la commande, au prix et aux moyens de paiement, à la livraison, au droit de rétractation, aux garanties légales.

Qu’est-ce qu’un « support durable » ? Un e-mail est-il suffisant ?

Les factures et le formulaire de rétractation peuvent être proposés au consommateur sur papier, mais doivent être également insérés dans le courriel de confirmation qui doit être envoyé au consommateur après sa confirmation de commande.
Un « support durable » est défini dans le nouvel article L.121-16 du Code de la consommation (article 9 de la Loi 2014) comme « tout instrument permettant au consommateur de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement« . Le Considérant 20 de la directive 2011 précise que les supports durables incluent notamment les CD-Rom, les DVD, le papier et le courrier électronique.

Donc oui, l’e-mail  est considéré comme un « support durable ».

Où trouver la liste des mentions obligatoires à faire figurer sur le formulaire type de rétractation ?

L’Annexe de la directive européenne 2011/83/UE présente un modèle du formulaire type de rétractation qui doit être proposé à tout consommateur qui a passé commande sur un site marchand.

A quelles sanctions nous exposerions-nous en cas de non-respect de la loi Hamon ?

La sanction encourue dépend de l’infraction commise :

  • absence de CGV ou présence de CGV non conformes à la Loi : la sanction encourue est une amende d’un montant de 15000 euros.

Article 1369-4 du Code civil :
« Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d’une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. (…)« .

  • défaut d’information relatif au droit de rétractation : la sanction encourue est une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 €, pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.

De plus, le délai de 14 jours dont bénéficie le consommateur pour exercer son droit de rétractation est étendu à 12 mois.

Article L.121-22-1 « Tout manquement à la sous-section 6 de la présente  section encadrant les conditions d’exercice du droit de rétractation reconnu au consommateur, ainsi que ses effets, est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut dépasser 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 141-1« .

  • non-respect du processus de commande * : la sanction est la nullité du contrat de vente. Le consommateur ne peut être lié par un contrat qui n’a pas respecté les conditions légales (articles 1369-4 et suivants du Code civil).

* Le processus de commande, aussi appelé « tunnel de commande », pour être juridiquement conforme, doit être réalisé en différentes étapes :

  1. validation de la commande, par un clic de souris sur le bouton de commande « mise dans le panier » ou « je valide ma commande », après que le consommateur ait reçu les informations légales exigées (information sur les caractéristiques du produit, prix, moyens de paiement) et sélectionné le produit désiré.
  2. confirmation de la commande (le contrat de vente est réalisé à ce stade) lorsque le consommateur clique sur le bouton de commande « je confirme ma commande et je paie » (ou une formule analogue) et procède au paiement de sa commande, après avoir lu et accepté les CGV (pratique de la case à coacher).
  • exercice d’une pratique commerciale trompeuse : conformément à l’article L. 121-6 du Code de la consommation, la sanction encourue est de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. Peut s’ajouter pour une personne physique, la condamnation, au titre de peine complémentaire, d’une interdiction d’exercer.

Qu’en est-il en cas de vente à un client ressortissant de l’Union Européenne ? Et résident hors U.E. ?

Pour les e-commerçants français, les nouvelles dispositions protectrices du consommateur doivent s’appliquer, que la vente ait lieu avec un client résidant dans un autre pays membre ou avec un client résidant dans un pays non membre de l’Union Européenne.

Que faire en cas de litige ?

En cas de différend avec un client, il y a toujours lieu de privilégier le règlement à l’amiable, quand celui-ci est possible. La résolution d’un litige variant énormément selon chaque cas d’espèce, il m’est difficile de répondre à cette question de manière plus précise.

Quelque chose à ajouter ?

Je tiens à préciser que les nouvelles dispositions ne s’appliquent que dans les relations B2C, c’est-à-dire dans les relations entre vendeur professionnel et consommateur, dans le cadre d’une vente à distance. Selon l’article L. 121-16 du Code la consommation, le contrat à distance désigne « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestations de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ». La « vente à distance » est une vente qui se réalise entre un professionnel et un consommateur « en dehors de toute présence physique simultanée des parties (…) qui, pour la conclusion du contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance ». La vente en B2B (professionnels entre eux), de même que la vente entre particuliers, ne sont donc pas concernées. La notion de consommateur a été définie par la loi Hamon en tant que « personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » (article préliminaire du livre Ier du Code de la consommation). Par exemple, le garagiste qui procède à l’achat en ligne d’une automobile n’est pas considéré comme consommateur alors qu’il l’est quand il achète un vêtement ou bien une machine à laver le linge.

Et vous, avez-vous mis votre site ou blog en conformité ? Comment avez-vous procédé et où avez-vous trouvé les informations nécessaires ?

Avertissement : cet article est fourni uniquement à titre d’information et n’a pas valeur de conseil en matière juridique ou fiscale. Si vous avez des questions supplémentaires, consultez un conseiller professionnel.

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18 Commentaires

  1. Merci pour cet article super intéressant , je suis justement en train de plancher sur mes cgv et ça va m'aider mais quel boulot !

    Réponse
    • Oui, c'est très long et très fastidieux ! Mais avec les infos et conseils de Chrystèle, ça devrait aller ! Tu devrais aussi aller faire un tour sur son blog, il y a plein d'infos et d'outils pour nous aider à être en conformité avec la loi. Bon courage !

      Réponse
  2. Article hyper complet ! Après ces quelques jours de congés il faut que je me mette en règle et je vais pouvoir le faire convenablement grâce à ton article, merci ;-)

    Réponse
  3. Merci pour cette note de blog !
    J'aurais une question qui me concerne directement :
    Pour les web-marchands-créateurs situés en dehors de la zone européenne et qui vendent entre autres en Europe, la loi Hamon s'applique-t-elle ? (on m'avait dit non, ce que je trouvais logique, mais là j'ai comme un doute…)
    J'aurais donc tendance à dire non, que c'est la loi du pays où le vendeur se situe qui prévaut. (j'imagine mal tous les vendeurs français sur Etsy se mettre au diapason des lois américaines, par exemple)
    La loi est un peu floue à ce niveau, du coup je ne sais pas où me renseigner précisément :/

    Réponse
    • Désolée de n'être pas venue avant pour voir s'il n'y avait pas de nouveaux commentaire.
      Alors je réponds à la question … que je trouve très intéressante.
      La jurisprudence a répondu : à partir du moment où le public visé est français, les tribunaux français sont compétents. Alors oui, le cyberconsommateur bénéficie également de la réglementation applicable en France (valable pour toute l'Union européenne vu qu'il s'agit de lois transposant des directives européennes). Celle-ci est destinée à permettre une protection juridique du cyberconsommateur dans toute l'Europe.
      Si le site vend à un public français, il se doit de respecter la réglementation française.

      Réponse
  4. Effectivement il y a du boulot pour informer les clients de l'urgence de ces mises à jour, merci pour l'article !

    Réponse
  5. Merci à toi Val et merci à Chrystèle pour le boulot pour ces précisions qui nous seront bien utiles à n'en pas douter!

    Réponse
    • Merci ! J'espère que ces précisions auront pu répondre à certaines de tes questions et que tes CGV seront au top ! A bientôt !

      Réponse
  6. Merci Val et Chrystèle! Ces explications permettent de moins patauger dans la semoule! Du coup j'ai modifié mes CGV, en espérant n'avoir rien oublié. Ne me reste plus qu'à me pencher sur le formulaire de rétractation…

    Réponse
    • Merci ! Tu as vu que j'ai mis en ligne un tutoriel pour le formulaire ? Il suit l'article sur la loi Hamon.
      Et en plus Chrystèle a tout prévu puisqu'elle a également mis en ligne un formulaire à télécharger et à adapter à sa boutique (lien en fin d'article) ! Courage, tu as déjà fait le plus gros du travail !!!

      Réponse
  7. Un grand, un immense merci à toi Valérie, sans oublier Chrystèle bien sûr !!! Vous avez fait un formidable travail, votre article est clair et précis. J'avais déjà modifié mes CGV mais je vais les revoir encore, pour qu'elles soient tout à fait conformes et ce sera grâce à vous deux !!! Marie Christine

    Réponse
    • Merci à toi ! Je suis contente si les explications de Chrystèle peuvent d'aider à y voir plus clair ! Bon courage pour tes modifications !

      Réponse
  8. Merci beaucoup Val pour ce travail clair et efficace, je ne sais pas ce qu'on ferait sans toi! Tu es top!

    Réponse
  9. "La loi Hamon pour les Nuls" !
    Merci beaucoup pour ce super article, j'y vois déjà plus clair !
    Maintenant, j'ai du pain sur la planche pour mettre mes CGV à jour.

    Réponse
    • Merci, Chrystèle explique très bien les choses, du coup c'est bien plus simple à comprendre pour les "non-initiés" que nous sommes ! Bon courage pour ta mise à jour ;-)

      Réponse

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